« Le Silence des horizons », de Beyrouk : en Mauritanie, le crime en héritage
LE LIVRE DE LA SEMAINE. Dans son nouveau roman, l’écrivain raconte la fuite et les questionnements d’un homme taraudé par son histoire familiale.
Qui n’a jamais caressé l’espoir fou de pouvoir revenir sur ses comportements passés et modifier a posteriori le cours des événements ? C’est ce dont rêverait Nadir, le narrateur éperdu du Silence des horizons, nouveau roman de l’écrivain mauritanien Beyrouk. « Il faut que demain revienne, et les couleurs du jour, et le sourire des gens et le soleil sur les joues des filles », implore-t-il au début du livre. Mais l’acte qu’il vient de commettre – le meurtre d’une femme par étranglement – est sans appel.
Encore sous le choc de sa propre violence, Nadir prend lâchement la fuite dans la nuit et quitte la capitale, où il habite, pour aller rejoindre Sidi, un guide touristique de sa connaissance, organisateur d’excursions à travers le pays. « Sidi a toujours été, depuis que je le connais, un abri. Je me précipitais chez lui pour éloigner les spectres et taire pour un moment les angoissantes questions. »
Des questions, Nadir s’en pose par dizaines, tant il est hébété par l’énormité de son crime. Il a conscience de la fragilité de son havre et balance entre la crainte d’être découvert et l’envie d’aller se livrer aux autorités. Préférant garder le silence face à Sidi et à son groupe de touristes, il ne s’ouvre qu’aux enfants, auxquels il conte des histoires le soir venu. Mais en lui, une anxiété ne cesse de croître, dont les origines remontent bien au-delà de l’acte qu’il a commis. En réalité, c’est dans son histoire familiale que doit se plonger Nadir.
« Saga assassine »
Déjà narrateur de sa vie, il va reconstituer peu à peu celle de son père, un homme rendu tristement célèbre dans tout le pays par un crime dont on l’a jugé autrefois responsable. Nadir n’était qu’un enfant lors des faits, mais la honte d’avoir un père criminel l’a marqué à jamais. Ces questions le taraudent d’autant plus que les destins des deux hommes, comme ceux des victimes – un père et sa fille –, sont liés.
Devient-on criminel en raison de son hérédité ? « Heureusement, me dis-je, je n’ai pas d’enfant. La saga assassine s’arrêtera après moi, personne ne souffrira à cause de moi. » S’agit-il d’une malédiction ? « Je dois me libérer de cette ombre qui me poursuit et qui n’a jamais engendré que ruines de l’esprit […] Je suis moi la dernière de ses victimes. » Quant à ce père conspué par tous, était-il véritablement un criminel ? « Si mon père était innocent, cela changerait tout, c’est le destin qui se serait vengé par mon entremise, oui, peut-être ne suis-je que la main innocente d’une force invisible qui a décrété la mort de la fille du cheikh ? »
Avec beaucoup de subtilité, Beyrouk réussit à établir dans son roman un parallèle entre l’introspection de son narrateur et l’itinéraire parcouru par le groupe à travers le pays. Et c’est ainsi que, de ville en ville et de campement en campement, Nadir va mener à bien sa quête : refonder les bases de sa filiation en composant un nouveau récit de son histoire familiale. Sans aucun doute, la libération est au bout du chemin.
Avec beaucoup de subtilité, Beyrouk réussit à établir dans son roman un parallèle entre l’introspection de son narrateur et l’itinéraire parcouru par le groupe à travers le pays. Et c’est ainsi que, de ville en ville et de campement en campement, Nadir va mener à bien sa quête : refonder les bases de sa filiation en composant un nouveau récit de son histoire familiale. Sans aucun doute, la libération est au bout du chemin.
Source : le monde